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Les fonderies et forges ardennaises jouent collectif

Engagés dans un plan de partage des bonnes pratiques et de mutualisation d’investissements depuis 2006, les fondeurs ont prouvé l’efficacité de l’aide apportée à la filière. Depuis un an, les forges ont aussi commencé à se regrouper pour améliorer leur compétitivité.

Certes, les entreprises subissent le poids des charges, la crise, la mondialisation, les évolutions réglementaires... mais la puissance publique peut aussi apporter son aide au monde économique. Évalué à 538 000 € sur la période juillet 2012-fin 2013 et financé à 80 % par des fonds publics (Etat-Europe) et à 20 % par l’UIMM, le Plan fondeurs démarré en 2006 est plébiscité par la filière. 19 fonderies régionales y participent dont 14 dans les Ardennes qui emploient 1 565 salariés. « Les objectifs sont de renforcer la compétitivité de ces entreprises, de développer leur visibilité, de créer un esprit cluster et d’accompagner la mutation de cette industrie », présente Sandra Mignolet, chef de projets de l’Association Champ-ardennaise pour la Promotion et la Performance de l’Industrie (ACAPPI) et animatrice du plan.

Une des actions marquantes réalisées dans le cadre du Plan fondeurs est la création du référentiel Eloïse qui comprend un guide des bonnes pratiques et des outils méthodologiques sur la sécurité et l’environnement. Forte de son succès Eloïse sera d’ailleurs régionalisée. Mais ce qui atteste la mutation de ces fonderies et l’importance qu’elles accordent à l’innovation, c’est le recours au numérique grâce à la mutualisation des moyens pour l’achat de logiciels par exemple. En partenariat avec des centres techniques (l’ENSAM et deux organismes basés à Charleville-Mézières : l’IFTS et le CRITT), les entreprises adhérentes ont donc pu avoir recours à de la conception numérique puis au prototypage par imprimante 3D. Une action qui pèse 162 000 euros dans le programme. Plusieurs groupes de travail ont également été mis en place concernant l’environnement (traitement des déchets, achats groupés de prestations obligatoires...). Les industriels ont aussi créé un Club maintenance pour échanger les bonnes pratiques : « Les petites structures peuvent ainsi profiter du savoir-faire des plus grandes. Nous avons organisé un dispositif de prêt de matériels, de mutualisation de stock de pièces... », indique Jérôme Théret directeur de la fonderie Rollinger (21 salariés, 1,45 M€ de chiffre d’affaires). Sur le même principe, des fondeurs sont réunis dans un Club RH ou engagés dans un processus d’amélioration continue, notamment pour améliorer leur management.

Améliorer l'image de la profession

Face visible de l’iceberg du Plan fondeurs, les Ardennais ont financé la création d’un site internet, alors qu’un portail régional va prochainement être mis en ligne. « Cela contribue à redonner une image positive de nos métiers, que ce soit pour recruter des opérateurs ou des cadres », estime Nicolas Grosdidier, patron de La Fonte Ardennaise qui emploie plus de 700 salariés dans le département. Cet axe sur la communication a aussi permis de présenter une exposition de photographies du métier dans les gares de Reims, Charleville, Troyes et Saint-Dizier, tandis qu’un spot publicitaire sera diffusé dans les cinémas de la cité ardennaise et haut-marnaise. Autre élément qui prouve cette volonté d’améliorer l’image de la profession, Mohand Ben Bournane explique que la fonderie Nicolas a donné un coup de peinture et rénové son bâtiment : « Nous voulons redonner vie à cette unité en présentant un établissement apte à répondre aux clients ».

Globalement, sur les actions à la carte mise à la disposition des fondeurs, 115 journées de prestations ont été réalisées, soit 75 % de l’objectif. Convaincus donc de leur intérêt commun à échanger et à mutualiser, 19 entreprises se sont engagées dans la prolongation du Plan fondeurs en 2014 (budget prévisionnel de 402 808 €). Le projet a été déposé auprès de la DIRECCTE cet été et la validation est attendue courant novembre.


Un exemple à suivre pour les forgerons

Lancé à l’été 2012 et se terminant cette année, le Plan forges 2013 suit les traces de celui mis en place dans les fonderies. Doté de 547 600 euros (dont 219 040 € de l’Etat et du FEDER), il rassemble 21 industries dont 13 forgerons ardennais. Une décision que ne regrette pas Jean- Paul Delfrate, dirigeant de la forge Pommier Formetal à Neufmanil (70 salariés sur le site) qui transforme de l’acier pour fabriquer des pièces utilisées notamment dans les transports. Il apprécie, par exemple, la veille technologique et concurrentielle mise en place dans le cadre du Plan et réalisée par l’ADIT.

Une autre veille sur la réglementation environnement santé sécurité permet aux professionnels de paramétrer une plateforme pour recevoir toute l’information utile à leur métier. Des groupes de travail ont d’ailleurs été organisés sur ces thématiques. 15 forgerons ont notamment diagnostiqué leurs pratiques en matière de sécurité et de prévention, en partenariat avec la Carsat : « En tant que petite structure, nous n’aurions pas pu financer ces audits. Le prestataire s’est bien adapté à notre fonctionnement et nous a donné un plan d’actions à mettre en place », indique Jessica Capliez, responsable des établissements Brouet-Badré à Hautes-Rivières (14 salariés, 1,4 M€ de chiffre d’affaires). Christophe Henon, directeur général de Doudoux (14 salariés, 2 M€ de chiffre d’affaires) précise que sa société a pris conscience « de la nécessité de formaliser par écrit nos pratiques » et ajoute avoir recruté 2 stagiaires pour gérer cet aspect réglementaire.

Du mieux en maintenance

La maintenance était aussi un axe de travail important, avec la volonté de « passer du curatif au préventif », comme l’explique Patrick Sonnet, Pdg de la forge Henon (17 salariés, 2,4 M€ de chiffre d’affaires à Thilay). La mutualisation d’outils grâce à la création d’une banque de données et le choix de prestataires communs ont ainsi été réalisés.

Les forgerons ont demandé la prolongation du Plan en 2014 (budget prévisionnel de 550 893 €) et entendent bien accentuer leurs collaborations, toujours en essayant de faire abstraction de leur concurrence, témoigne Jean-Paul Delfrate : « Si nous signons des contrats de confidentialité, il s’agit avant tout d’arriver à se faire confiance ».

Article de Philippe DEMOOR paru dans le journal Le Matot Braine du 05 novembre 2013