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Ils ont repris des entreprises en péril

Fonderie Nicolas : « Je ne voulais pas qu'elle soit absorbée »

Voilà cinq mois que Mohand Ben Bournane a sauté le pas. Il est passé de responsable technique des Fonderies Nicolas, à Nouzonville, à actionnaire et PDG de cette même entreprise.
Créée à la fin du XIXe siècle, cette société de 32 salariés coule des pièces en petites séries pour des fabricants d'engins de chantier ou la SNCF.
L'entreprise n'était pas en péril financier mais elle appartenait depuis dix ans à un gros groupe industriel, Delachaux, qui souhaitait s'en séparer comme de toute sa branche fonderie. Dans une commune marquée par la fin de Thomé-Génot, pillée par d'obscurs repreneurs américains, Mohand a vu le mauvais coup venir.
« Je ne voulais pas que la fonderie soit absorbée par un groupe qui aurait profité du système. »

Pendant des mois, les soirs, les week-ends, il a monté son projet. « Par moments, je voulais laisser tomber, le groupe en voulait une certaine somme, trop élevée. Il a fallu négocier. » Mohand n'est pas parti seul, la fleur au fusil.
« C'est une décision prise en famille, pas de la folie douce. » Son beau-frère, Bernard Libert, salarié dans l'industrie pharmaceutique a investi avec lui pour détenir 49 % des parts. Le conseil général et la région ont apporté leur aide pour le financement, ainsi que la Caisse d'Épargne. « Ils m'ont dit : on croit en vous. » Les confrères de la Fonte Ardennaise ont donné leurs conseils. « La fonderie, c'est encore une famille aujourd'hui ». Mais surtout, l'investisseur novice a été épaulé par le cabinet comptable KPMG qui a validé l'étude de faisabilité et le business plan.
Passé de l'autre côté du bureau du patron, Mohand porte toujours la blouse bleue.

« J'ai besoin d'aller à l'atelier quitte à prendre une clé USB le week-end pour travailler à la maison sur des remises de prix. »
Ce passionné a transmis son virus à son beau-frère, biologiste de formation. « J'ai découvert la fonderie et je ne m'attendais pas à une complexité pareille. Chaque pièce nécessite de nombreuses recherches et études », confie l'intéressé.

Le nouveau patron confie son plaisir « lorsque j'atteins mes objectifs ». Après cinq mois d'indépendance, la Fonderie Nicolas a enregistré des résultats qui sont au-delà des prévisions. Mais, la gestion de la trésorerie, comme l'épaisseur du bon de commande, donnent des cheveux blancs.
Mohand apprend aussi à résister à ce stress, ou au moins, à ne rien laisser paraître. « Tous les soucis, il faut les laisser au bureau, il ne faut pas jouer les pleureurs à l'atelier, ou rentrer à la maison en faisant le dépressif, cela, tout en sachant, qu'il y a toujours quelque chose en nous qui brûle », confie Mohand. Le nouveau PDG ne s'attendait peut-être pas à être confronté, en plus du reste, à cette facette psychologique du métier de patron.

 

Article paru dans le supplément Economie de l'Ardennais du mardi 28 mai 2013